« Madame, je veux être votre jouet. »
Cette petite phrase, je la lis et l’entends beaucoup. Elle vient de Ryan, 28 ans, de Michel, 74 ans, de N*, 43 ans, de H*, Z*, B* et même de Didier, 86 ans.
J’ai envie de leur répondre, à tous, qu’être mon jouet ne se décrète pas. Qu’ils sont bien présomptueux de penser devenir quelque chose pour moi, à commencer par mon jouet. Qu’à les voir, les regarder, les sentir, les écouter, je n’aurai peut-être aucune envie de me servir d’eux. Que certains jouets, je les préfère dans leur malle ou cassés.
Je ne dis rien, bien sûr.
Parfois je convoque la petite fille cruelle qui se demande ce qu’elle pourrait leur infliger, comme elle se le demandait dans la grande maison de jadis, en gardant une mouche prisonnière : lui arracher une aile ? Lui enlever les pattes ? Lui écraser la tête ?
Parfois je feins de m’amuser avec eux.
Parfois je m’amuse vraiment.
Parfois je m’amuse surtout de moi-même.
Parfois je m’évade ou j’oublie.
Parfois je et souvent je comprends.
Moi aussi, peut-être, un jour, j’aimerais devenir le jouet érotique d’un homme, quand je serai devenue vieille et transparente – sauf que je n’emploierai pas l’indicatif mais le conditionnel.
Le désir ne se décrète pas. C’est même traiter l’autre en objet, de penser qu’il vous voudra juste parce que vous le voulez.
Soyez mes jouets si je le désire, oui, mais ne faites pas de moi le vôtre. Votre argent n’achète pas ça.
Photo de Zhang Peng.