On ne se connaît pas ou de très loin. Il m’a été mentionné par une amie comme pouvant répondre à ma recherche : une bite active dans un scénario de « bi-forcé »*, que je préfère, pour ma part, appeler « bi-enthousiaste ».
Je le contacte. Il est intéressé. Je lui parle du client et sa demande, toujours la même, pour laquelle il me sollicite une fois par mois, si ce n’est deux : jouer la soumise docile, la chienne, la salope, la petite pute qui se fait défoncer, encore et encore, par de grosses bites noires.
Je lui fais part de mon embarras aussi bien pour la perception du féminin que l’exotisation des corps racisés. Je comprendrais qu’il se sente offensé et refuse de participer à ce script tout droit sorti d’un mauvais porno. Il me rassure, il fait très bien la différence entre les fantasmes et la réalité, tout en ayant conscience des aspects problématiques de certains fantasmes. Mais comme il le souligne, nous ne sommes pas la police des cerveaux et tant qu’on ne le traite pas ainsi dans la vraie vie, ça lui va.
Je lui précise qu’il doit porter un masque, car le client ne veut pas voir son visage.
Il en possède un en plastique réfléchissant, si brillant qu’on peut se voir dedans. Il m’envoie une photo. Il ressemble à un Alien terrifiant.
Exit le masque, préservons le client d’une crise cardiaque.
Je lui dis avoir pensé à mettre en scène un bukkake (une réunion d’hommes qui se masturbent et éjaculent sur une femme), mais que je n’ai ni assez de participants pour ce scénario qui reviendrait de toute façon trop cher, ni assez de sperme.
Il sait en fabriquer en diluant une poudre de sa fabrication dans de l’eau.
Peu à peu notre séance prend forme : il se joindra donc à moi pour la dernière heure, muni d’une cagoule et d’un pulvérisateur de faux sperme.
Le jour dit, à l’heure dite, je suis en train de ramener ma « soumise » à même le sol.
Coup de sonnette.
J’interromps mes va-et-vient pour aller lui ouvrir, simplement vêtue d’un body transparent, de bas résilles et d’un énorme gode monté sur un strap-on. Je pense que c’est très étrange d’ouvrir ainsi harnachée la porte à un inconnu, cette activité crée des situations absurdes, désopilantes et parfois poétiques, de celles dont je me souviendrais quand je serai vieille et que j’aurai arrêté de manier le fouet.
Lui me salue comme si de rien n’était, me tend le pulvérisateur. Je m’en empare avant de le guider jusqu’à la salle de bain.
De retour dans la pièce de jeux, je parle à mon client d’inconnus qui sonnent à des portes alors que je joue les fuck-machines, de branlettes, de foutre, de bukkake et d’excitation qui monte à le regarder aussi agenouillé à terre, bouche ouverte, yeux bandés, livré aux futurs assauts d’une armada en rut.
J’appuie chaque mot de ma dernière phrase d’une giclée de faux sperme sur son visage et son torse.
Loin d’atteindre le nirvana, mon client grimace.
– Quoi, la chiennasse n’aime plus le foutre ? je demande, imperturbable.
– Maiiiis… C’est froid !
Ah zut, j’avais omis ce détail… La température !
Le pulvérisateur finira donc dans le micro-ondes, à moitié fondu pour cause de réchauffement excessif.
On ne pense jamais à tout, c’est connu.
*Bi forcé : pratique consistant à forcer un homme à avoir des rapports (fellation pénétration) avec un autre homme. Le nom me paraît mal choisi car il suppose que par défaut, tous les hommes sont hétérosexuels : ils ne deviennent bi que sous la contrainte et leur sexualité « première » n’est forcément qu’avec une femme.