Un an après, je retournais chez Maîtresse F*. Je m’étais débrouillée pour faire coïncider notre RV avec la venue de mon soumis sur Paris, pour notre longue séance trimestrielle.
J’avais à dessein cultivé le mystère, évoqué une rencontre de la plus haute importance avec une grande Dame, parlé de « mission secrète et douloureuse », regretté que Pâques soit déjà passé, plaisanté sur les boulons, les clous et les vis.
Jour après jour je demandais à mon soumis s’il se sentait d’attaque – avait-il, au moins, travaillé sa condition physique ? – tout en lui lâchant, parfois, du bout des lèvres, une miette d’information.
À son arrivée j’avais affirmé, hilare, qu’il s’agissait de récupérer une pièce de mobilier à l’autre bout de la ville. Oh, une grosse pièce, oui oui oui, mais vraiment grosse, pour le donjon oui oui oui, mais quelle pièce, donc ?
Oh, une croix de Saint-André, oui oui oui, qu’il devrait porter tout seul, sur son dos, oui oui oui, de boulevards en impasses, oui oui oui, pendant que je le fouetterais en aboyant « Avaaaaaance, minuuuuuuus ! »
Dans un immense hoquet j’avais appelé ça son « Golgotha ». Mon rire n’avait pas semblé le rassurer.
Quelle ne fut pas sa tête lorsque, le jour dit, au lieu de la croix promise, Maîtresse F* m’a tendu une boîte de capotes et un paquet de couches.
On est retournés au métro. Lui qui était prêt à m’accompagner au bout du monde, je l’avais juste emmené au coin de la rue.