Nous voilà dans le vestibule du club. Moi, la Domina en longue robe drapée, bleue électrique, peu raccord avec les tenues fetish arborées à l’intérieur,
lui, mon soumis attitré, visage d’Aladdin aux joues encore rondes d’enfance,
Presque deux ans qu’on se connaît, qu’il a enduré et apprécié ma cravache, mes gifles, mes godes et mes humiliations,
des promenades collier au cou et d’autres nez au vent,
une visite au musée dans un Sud baigné de mer et une séance de cinéma en plein coeur de Paris,
une expédition en métro pour transbahuter sur un quai de gare une pile de bagages, matelas, gourde, lampe de poche et pulls fourrés,
un aller-retour matinal pour hisser mon sac sur quatre étages parce que mon dos avait rendu l’âme, le jour où après avoir oublié mes chaussures décentes à l’autre bout du monde, j’avais atterri en tongs-chaussettes, l’anti-Maîtresse absolue et lui n’avait rien dit,
Moi c’est Maîtresse et lui, cabot, insulte qui vient de notre première séance, quand je cherchais à piquer son amour-propre,
cabot smart ass,
cabot loyal, à qui j’envoie des photos de chiots, de niches et de Biscrok,
« cabot » tout court et « sale chien » parfois,
cabot, un surnom que le préposé aux vestiaires du club a pris pour son nom, le vrai.
KABAUT, qu’il a écrit sur sa fiche bristol.
Un adoubement, faut croire.
Photo de William Wegman.