Premier de cordée

Il y a trois ans. Je suis arrivée trempée de pluie froide. J’ai poussé la porte, rayonnante de revenir dans ce lieu avec de hautes bottes et ma corde roulée dans mon sac.À mon entrée, grand, très grand corps aux proportions parfaites, il a pivoté sur son siège. Ses cheveux ont caressé ses épaules, effleuré ses mâchoires pour retomber…

L’aveuglement

Janvier 2019, lettre à Thierno. « Se regarder dans les yeux, c’est extrêmement intime, parfois bien plus intime que de pénétrer un corps. Peut-être cela qui t’a mis mal à l’aise jusqu’alors, cette forme d’intimité-là ?Dans tout ce que je fais, une phrase revient : voir et être vu-e. Accepter de voir et d’être vu-e, et…

Porc-épic (et pique, épique !)

D’abord le choc de ses yeux. Deux étangs pâles dans un visage métis sur une carrure d’armoire à glace. Il est assis une rangée derrière moi, de l’autre côté de la travée contre le hublot, un siège libre à sa droite.Un regard quelques secondes de trop.Tout est dit. Il sait. Je sais, et ce ne…

On ne badine pas avec l’amour

« Cher,Dans mes rêveries une scène revient, celle des émotions cramoisies que je t’ai données avec ta ceinture, et surtout un geste qui m’a troublée comme une quintessence de l’érotisme : quand, après t’avoir appliqué de rudes coups puis enlacé tendrement, j’ai serré ta nuque pour te faire basculer en avant, sur les oreillers, et te…

Entre les lignes (de feu)

Quand il travaille je regarde ses mains. Sans me regarder lui sait que je les regarde, immenses, deux battoirs calleux et presque féminins dans le geste, l’annulaire gauche barré d’un cercle d’or. Les fils jaillissent, à nu, je me penche et, minuscule à côté de sa masse, nous parlons d’interrupteurs, je le fais rire et…

Toyboy – Soie ma chose

Toyboy avait pour consigne de me fixer un lieu de rendez-vous facile à trouver dans cette ville inconnue.– La terrasse du café Z, métro **, avait-il suggéré.À l’heure dite, je sors du métro. Ballets de parasols et serveurs pressés, groupes en short et Coca tiède, il s’agit bien de l’un des quartiers les plus populaires…

Toyboy – Frasques et frusques

Quand il me regarde, ses iris déjà très foncés se changent en deux calots fixes, d’un noir qui tourne à l’encre. Ses pierres d’yeux me transforment en centre absolu de son univers. Il est sidéré, en attente et retranché. Je ne saurai que plus tard que dans le petit théâtre intérieur de ses fantasmes, mon…

Liquide-(é)moi

J’ai adoré son air de faune, ses jambes encordées qu’il remontait contre son buste pour que je le prenne plus profond, ses frissons contenus alors que je lui léchais les oreilles, tous ses poils dressés sous mes paumes, ses gémissements en sourdine de ma voix moqueuse, « Tu es si vulnérable et moi si injuste que,…

Toile maîtresse

Thierno et moi, nous avons baptisé les marques « émotions ». Il y a les émotions diffuses créées à la main, les émotions diagonales-floues de la ceinture, les lourdes-compactes des poings, les nettes-alignées des griffures, les cinglantes-cruelles de la canne anglaise, les aiguës-minuscules des aiguilles, les ovales-profondes des morsures, les fines-sanguines du couteau. Pelotonnée dans l’avion, je…

Cabot – Onomastique

Nous voilà dans le vestibule du club. Moi, la Domina en longue robe drapée, bleue électrique, peu raccord avec les tenues fetish arborées à l’intérieur,lui, mon soumis attitré, visage d’Aladdin aux joues encore rondes d’enfance, Presque deux ans qu’on se connaît, qu’il a enduré et apprécié ma cravache, mes gifles, mes godes et mes humiliations,…

Petite pute de chantier

Il portait une culotte en vinyle rouge, des bottines à hauts talons et du khôl noir autour des yeux. Il a rampé, longtemps, tenu en laisse par une créature brune. Quand il s’est redressé, son dos s’ornait d’une inscription pourpre : PETITE PUTE. Lorsque ses genoux réclamèrent grâce, il s’avachit dans la grande salle, celle…

Plaisir d’offrir, joie de recevoir

Il est arrivé pile à l’heure avec ses yeux de cabri et un sourire de faune, sa chemise blanche et ses longs cheveux attachés, son air féminin et ses paumes si carrées. Il est tel que je l’avais vu et imaginé, exactement. Je lui offre un verre avant de lui montrer le boudoir. Lui non…