Coucou, (pas) caché !

C’est l’été. Je me promène dans un grand parc avec une amie. Nous décidons de faire un crochet par la roseraie, ce qui suppose emprunter une allée assez étroite, où se croisent les nombreux visiteurs qui entrent et sortent.

Je bavarde avec insouciance jusqu’à me taire, troublée par un homme au comportement bizarre : loin d’adopter la nonchalance des autres promeneurs, il avance en crabe, très nerveux, à côté d’une femme qui semble l’accompagner, tout en me jetant des coups d’oeil insistants, le visage caché derrière sa main.
Je le regarde, intriguée. Aussitôt il se détourne d’un bloc avant de me fixer à nouveau derrière ses doigts, tout en s’obligeant à parler à la femme à ses côtés.
Il exsude la gêne et l’angoisse, ainsi que le violent désir de ne surtout pas se trouver là par une belle journée d’été.
Ses doigts s’écartent. J’intercepte ses yeux, très grands et très bleus, la courbe de son nez, le dessin de ses lèvres.

Tilt !

Du fond de ma mémoire surgit une image, très nette,
le petit monsieur de i’allée en train de s’empaler devant moi, tout nu sur un énorme gode, haut-bas, plus fort, plus vite, furieux rodéo qu’il agrémente de sonores
« Je suis une salope, une chienne, une grosse chienne ! »

J’ai envie de rire. S’imagine-t-il vraiment, ce badaud mortifié, que je pourrais me rappeler à son bon souvenir en pleine roseraie ? Lui demander pourquoi il n’est pas revenu et comment se porte sa libido ?
Évidemment que non, en vertu de la règle de ce genre de situation : s’ignorer et continuer son chemin.
Le plus drôle ? S’il n’avait pas cherché à se cacher, jamais je ne l’aurais remarqué, et encore moins reconnu. Pour moi il n’était qu’une silhouette parmi les roses, un beau jour d’été.
Le mieux est l’ennemi du bien, il paraît.