C’est notre première séance. Lui est stressé, ça se voit sa manière de ne pas me regarder et de trembler contre ma porte. Lui, c’est un grand gaillard bien en chair, 1 m 85 au bas mot, le genre impossible à rattraper si un évanouissement le prenait devant moi.
– Vous avez mangé aujourd’hui ?
– Non, madame. Mon dernier repas date d’hier.
Il est 14 heures, ça fait long. Je pose devant lui un petit bol de cacahouètes.
– Mangez !
Il regarde le bol, regarde mon visage, se demande si je plaisante.
– J’ai apporté des gaufrettes, Madame, je me disais que je…
– Oui, absolument, mangez vos gaufrettes.
– Ici ? Je pensais les apporter de l’autre côté..
Des gaufrettes de l’autre côté, c’est-à-dire dans ma salle de jeux éclairée aux bougies ? Mon expression avoue le sacrilège, ce qui redouble son malaise.
Une boulette, comme on dit.
– Hors de question que vous vous présentiez à moi la bouche pleine ! Ou alors, partons sur un scénario de gavage !
Verdict : il a mangé ses gaufrettes dans la cuisine, tout seul.
Photo de Ren Hang.