On ne s’est jamais rencontrés mais lui a décidé que c’était le moment – ou du moins le moment de m’inonder de messages, parce que je le vaux bien. La limite est atteinte lorsqu’après deux mois entiers de silence, je reçois un long mail manifestement écrit d’une seule main…
Je le remets en place. Voici la suite.
« Madame,
Je suis désolé du caractère inconvenant de mon précédent message et vous prie d’accepter mes excuses les plus plates… En effet je me suis laissé aller à vous décliner divers fantasmes notamment de fétichisme olfactif alors même que j’aurai dû faire mes preuves de ma soumission à votre égard en ayant soin de ne pas vous saouler avec tout ça.
Comme disait Lacan les fantasmes, en tant que formations imaginaires – sont « des rêveries diurnes conscientes », qui sont un mode d’obtenir un plaisir qui compense « à l’abri de la réalité » la renonciation à la jouissance.
Par ailleurs, serait-ce une circonstance atténuante de renoncer à toute jouissance le temps que vous reveniez a Paris ? »
« Bonjour,
La question n’est pas d’avoir fait ou non preuve de soumission à mon égard ; la question est que votre mail est tout à fait inapproprié après un long silence. Pour être crédible, cessez de proposer en compensation ce qui vous fait plaisir, à vous : votre jouissance n’est pas mon affaire.
Il se trouve que je suis familière de Lacan comme de la psychanalyse en général, nul besoin de faire appel à ces concepts pour présenter de pseudo excuses. Vous auriez pu tout autant évoquer Barthes, Fragments d’un discours amoureux ou que sais-je…. Laborit, Eloge de la fuite ?
Jusqu’à preuve tangible du contraire, vous êtes un fantasmeur qui se déverse dans ma boîte pour alimenter ses fantasmes.
Pour ma part, nous en restons là. »
Lui, trois mois plus tard :
« Je viens de comprendre que vous aviez été courroucée par la stupidité de mon mail. Je crois que toutes ces erreurs sont le fait d’une certaine maladresse que j’ai et d’une certaine gaucherie, sachant que je suis en effet gaucher !
Vous pourriez me donner une seconde chance?
Voudriez vous que j’écrive des pages de littérature à la main sachant que le français n’est pas mon fort ??
Gégé la tête à claques, maladroit mais fidèle et docile. »
Docile ? J’aurais pas dit, tiens.